Le Bitcoin n’a-t-il pas de valeur réelle ? Une réponse islamique à une objection fréquente

Cet article répond à une objection fréquente selon laquelle Bitcoin serait haram car il ne posséderait pas de “valeur réelle” du fait de sa nature numérique. En s’appuyant sur l’histoire monétaire islamique et les principes de la jurisprudence, il montre que la matérialité n’a jamais été une condition nécessaire pour qu’un actif soit considéré comme une monnaie licite. L’auteur détaille les attributs techniques et économiques de Bitcoin qui lui confèrent une valeur concrète : rareté, effort de production, transparence, sécurité. Il souligne également l’incohérence des critiques en montrant que les monnaies fiat sont encore moins justifiables selon ces critères. L’article invite ainsi à reconsidérer Bitcoin comme une alternative monétaire éthique et potentiellement conforme à l’islam.

🕌 Introduction

Depuis que le Bitcoin s’est imposé comme une alternative aux monnaies traditionnelles, de nombreuses voix, y compris au sein de la communauté musulmane, questionnent sa légitimité d’un point de vue islamique. Après avoir répondu à l’objection de la spéculation excessive, une autre critique revient souvent : « Le Bitcoin n’a pas de valeur réelle. Ce n’est qu’un code numérique sans substance. »

Mais cette idée repose-t-elle sur une compréhension juste de l’histoire monétaire et des principes du fiqh ? Que signifie réellement « valeur intrinsèque » ? Et pourquoi certains objets numériques comme Bitcoin seraient disqualifiés alors que nos monnaies actuelles (comme l’euro ou le dollar) ne le sont pas, alors même qu’elles sont elles aussi immatérielles ?

Dans cet article, nous allons explorer cette objection en profondeur, et montrer pourquoi le Bitcoin, loin d’être une illusion numérique, possède des qualités objectives, mesurables et conformes aux critères éthiques de l’Islam.

🪙 I. L’objection : une monnaie sans valeur “réelle” ?

L’une des critiques les plus fréquentes contre Bitcoin est qu’il n’aurait pas de “valeur intrinsèque”. N’étant qu’un code informatique immatériel, il serait perçu comme un actif sans substance, trop abstrait pour être considéré comme une monnaie légitime, surtout dans une perspective islamique.

Derrière cette critique se cache une idée ancienne : pour qu’un objet puisse servir de monnaie, il devrait impérativement reposer sur quelque chose de physique et tangible, comme l’or, l’argent, ou des matières premières. Cette exigence suppose que seule la matérialité visible donne sa légitimité à un support d’échange.

Mais cette conception, aussi intuitive soit-elle, ne résiste ni à l’analyse historique, ni aux fondements de la jurisprudence islamique. L’histoire de la monnaie, notamment dans les sociétés musulmanes, montre que la matérialité n’a jamais été un critère absolu ou décisif pour qu’un objet devienne une monnaie acceptable.

📜 II. Ce que nous enseigne l’histoire de la monnaie

L’idée que la monnaie doit absolument avoir une valeur intrinsèque matérielle n’est pas conforme à l’histoire économique, et encore moins à l’expérience des civilisations musulmanes. En réalité, les supports monétaires ont toujours évolué en fonction des besoins, des contextes et surtout de la confiance qu’on leur accordait.

Prenons l’exemple des sakk, ancêtres des chèques modernes. Ces simples bouts de parchemin ont circulé pendant des siècles dans le monde musulman comme instruments d’échange et de reconnaissance de dette, sans avoir de valeur matérielle propre. Pourtant, ils étaient parfaitement acceptés et légitimes, car leur fonction monétaire était reconnue et respectée.

De même, les premiers dirhams et dinars tiraient leur valeur non seulement de la matière (argent, or), mais aussi de leur pureté, de leur poids et surtout de la confiance dans leur émission. Autrement dit, ce qui rendait la monnaie acceptable n’était pas uniquement sa tangibilité, mais son utilité, sa stabilité et son acceptation sociale.

Dans cette logique, il devient clair que la forme physique n’est pas un prérequis absolu pour qu’un objet devienne une monnaie légitime. Ce qui compte, ce sont les fonctions économiques et sociales qu’il remplit.

⚙️ III. Bitcoin : un actif numérique mais pas sans valeur

Il est vrai que Bitcoin est immatériel, mais cela ne signifie pas qu’il est sans valeur. Au contraire, cette cryptomonnaie repose sur des fondements techniques, économiques et énergétiques très concrets, qui justifient pleinement sa légitimité comme actif monétaire.

Voici quelques-uns des attributs qui confèrent au Bitcoin une valeur réelle :

  • Rareté absolue : l’offre totale de Bitcoin est plafonnée à 21 millions d’unités.

  • Coût réel d’émission : machines, énergie, capital sont mobilisés pour chaque unité minée.

  • Sécurité cryptographique : impossibilité de falsification ou de duplication.

  • Portabilité mondiale : transférable en quelques minutes sans frontière.

  • Résistance à la censure : aucune autorité ne peut bloquer une transaction.

Ces caractéristiques rendent le Bitcoin bien plus solide et vérifiable que beaucoup de formes de monnaie existantes. Il ne repose pas sur une promesse vide, mais sur un système transparent, mesurable et fondé sur des ressources limitées.

🏦 IV. L’incohérence des critiques : fiat ou Bitcoin ?

Si l’argument principal contre Bitcoin est son absence de matérialité, alors il faut pousser la réflexion plus loin et s’interroger aussi sur la nature des monnaies fiat — comme l’euro, le dollar ou toute autre devise nationale moderne.

Ces monnaies ne sont adossées à aucune richesse tangible. Leur valeur repose entièrement sur la confiance dans l’autorité émettrice — en général une banque centrale. Elles peuvent être créées “ex nihilo” d’un simple clic, sans aucun coût réel, ni effort de production.

Comparons cela avec Bitcoin : sa production nécessite de l’investissement, de l’énergie, du matériel spécialisé et des règles strictes gravées dans le code. En termes de rareté, de transparence et d’effort, le Bitcoin est bien plus rigoureux et « réel » que les monnaies fiat.

Ainsi, vouloir disqualifier Bitcoin pour cause d’immatérialité revient à utiliser un argument qui se retourne directement contre les monnaies que nous utilisons tous les jours. La cohérence voudrait que l’on remette en question l’euro ou le dollar avant de remettre en cause Bitcoin.

📏 V. Ce que dit l’Islam : équité, confiance, transparence

La jurisprudence islamique ne fonde pas la légitimité d’une monnaie sur sa matérialité, mais sur sa capacité à respecter les principes de justice, de transparence et d’utilité sociale. L’Islam vise à protéger les échanges honnêtes, à prévenir le riba (intérêt), le gharar (incertitude excessive) et le maïsir (jeu de hasard).

Voici les critères clés qu’une monnaie doit respecter en Islam :

  • Équité dans les échanges

  • Transparence des conditions

  • Stabilité et confiance vérifiable

Or, Bitcoin répond à ces exigences : il n’est contrôlé par aucune autorité arbitraire, il est impossible à contrefaire, limité en quantité, et permet des échanges ouverts et traçables. L’Islam ne rejette pas l’innovation tant qu’elle respecte les principes divins. À bien des égards, Bitcoin incarne une alternative plus éthique que les monnaies modernes créées sans effort ni limite.

✅ Conclusion

L’argument selon lequel Bitcoin serait haram parce qu’il ne reposerait pas sur une « valeur intrinsèque » s’avère, à l’analyse, non seulement discutable, mais également incohérent. L’histoire de la monnaie, la jurisprudence islamique et l’économie moderne montrent clairement que la matérialité n’a jamais été une condition absolue pour qu’un support d’échange soit légitime.

Au contraire, Bitcoin repose sur des fondations bien plus solides que les monnaies fiat actuelles : effort de production, rareté vérifiable, sécurité technologique, et transparence totale. Il répond ainsi à des critères fondamentaux que l’Islam valorise, comme l’équité, l’absence d’injustice et la confiance vérifiable.

Plutôt que de rejeter le Bitcoin sur des bases fragiles, il est temps de l’étudier sérieusement comme une alternative monétaire crédible, éthique et potentiellement conforme aux objectifs de la Sharia. Pour aller plus loin, téléchargez gratuitement le livre Bitcoin est-il obligatoire en Islam ? et explorez les autres dimensions religieuses, économiques et spirituelles de cette révolution monétaire.