Bitcoin est-il haram parce qu’il est utilisé par des criminels ? Une mise au point islamique

Cette question revient souvent dans les débats religieux et médiatiques. Dans cet article clair et rigoureux, nous déconstruisons cette accusation en nous appuyant sur des données concrètes, l’histoire de la finance islamique et les principes fondamentaux de la charia. Vous découvrirez pourquoi Bitcoin, loin d’être une monnaie du crime, est un outil neutre dont la licéité dépend uniquement de l’usage qu’on en fait — comme n’importe quelle autre technologie ou monnaie.

11/29/20255 min read

Bitcoin est-il haram parce qu’il est utilisé par des criminels ? Une mise au point islamique

Parmi les critiques les plus fréquemment entendues contre Bitcoin, une revient systématiquement dans les débats médiatiques comme dans certains discours religieux : « Bitcoin est utilisé pour des activités illégales, donc il ne peut pas être halal. » Cette affirmation, souvent formulée sans nuance, prétend disqualifier cette monnaie numérique au nom de son association supposée avec la criminalité.

Mais cette objection tient-elle vraiment la route d’un point de vue islamique ? L’islam nous enseigne-t-il à juger un objet ou une technologie sur la base de certains abus isolés, ou bien selon son usage réel et ses caractéristiques fondamentales ? Ce questionnement mérite une réponse sérieuse et argumentée, car il engage non seulement la compréhension de Bitcoin, mais aussi notre rapport à la justice, à l’éthique et à la rigueur intellectuelle dans l’analyse des outils modernes.

Bitcoin, la monnaie du crime ? Une accusation ancienne

Depuis l’apparition de Bitcoin, une image lui colle à la peau : celle d’une « monnaie du dark web », utilisée dans des trafics douteux, des ventes d’armes, de drogues ou d’activités cybercriminelles. Relayée par certains médias, cette idée a été reprise sans filtre par des responsables politiques et, parfois même, par des voix religieuses affirmant que Bitcoin ne saurait être halal à cause de ces usages.

Il est vrai que, dans les premières années de son existence, Bitcoin a été utilisé sur des plateformes illégales comme Silk Road. Mais cette réalité historique ne suffit pas à caractériser la nature de l’outil dans son ensemble. Tout comme l’internet a été utilisé dès le début pour du contenu illicite sans qu’on l’interdise, ou que le cash est largement utilisé dans les trafics sans être remis en cause, Bitcoin, lui aussi, est un outil que l’on doit juger à travers le prisme de son usage, et non de quelques dérives.

Neutralité de l’outil en islam

L’islam ne juge pas un objet en soi, mais l’usage que l’on en fait. Ce principe fondamental est une clé essentielle pour comprendre la licéité ou l’illicéité d’un moyen, d’un outil ou d’une technologie. Le Prophète ﷺ a enseigné que les actes valent par leurs intentions — et cela s’applique aussi aux instruments que nous utilisons.

Un couteau peut servir à préparer un repas halal ou à commettre une agression. Internet peut propager le savoir tout comme il peut véhiculer la perversité. Pourtant, jamais on ne décrète haram un outil neutre parce qu’il est utilisé à mauvais escient par certains. On condamne l’acte injuste, pas l’objet.

Il en va de même pour la monnaie. Ce n’est pas parce que certains utilisent l’euro, le dollar ou le Bitcoin dans un cadre criminel que cela rend ces monnaies haram. Le protocole Bitcoin, en lui-même, ne contient ni ribâ, ni fraude, ni injustice constitutive. Il peut être utilisé pour le bien comme pour le mal. C’est donc l’intention et l’usage qui déterminent la légitimité religieuse de la transaction.

Bitcoin est-il vraiment opaque ?

Contrairement à une idée très répandue, Bitcoin n’est pas une monnaie anonyme. Bien au contraire : c’est l’un des systèmes les plus traçables jamais conçus. Chaque transaction effectuée en Bitcoin est enregistrée de façon permanente sur la blockchain, un registre public accessible à tous. Ce registre ne peut pas être modifié, effacé ou falsifié.

Cela signifie que chaque transfert de Bitcoin laisse une trace visible. Les autorités policières et les services de renseignement s’appuient de plus en plus sur cette transparence pour remonter des réseaux criminels. De nombreuses affaires ont été résolues grâce à la traçabilité des fonds sur la blockchain, là où l'argent liquide aurait laissé peu ou pas de trace.

Ironiquement, les enquêteurs se félicitent aujourd’hui lorsque des criminels utilisent Bitcoin. Beaucoup de filières illégales ont été démantelées justement parce que les criminels pensaient naïvement que Bitcoin était introuvable. En réalité, leur activité laissait une empreinte numérique indélébile.

Par comparaison, l’argent liquide est bien plus difficile à tracer. C’est pour cette raison, par exemple, que l’Union européenne a supprimé l’émission des billets de 500 euros : ils étaient devenus un outil privilégié pour le blanchiment et les échanges illégaux.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Les données actuelles contredisent fortement l’idée que Bitcoin serait massivement utilisé dans la criminalité. Selon Chainalysis, une société d’analyse blockchain reconnue, seulement 0,14 % des transactions en cryptoactifs étaient liées à des activités illicites en 2024, soit environ 45 milliards de dollars.

Parmi ce chiffre, Bitcoin ne représente qu’environ 20 %, soit 9 milliards — une fraction minime à l’échelle des transactions mondiales. Et même parmi les criminels, Bitcoin est de moins en moins utilisé, car ceux-ci réalisent qu’il est bien trop facile à retracer. À la place, certains se tournent vers des cryptomonnaies réellement conçues pour l’anonymat, comme Monero ou Zcash.

Même en prenant toute la sphère crypto, la criminalité liée aux cryptos reste marginale comparée à celle du système financier traditionnel. L’ONU estime que 2 à 5 % du PIB mondial circule de manière illicite, soit entre 2 500 et 5 500 milliards de dollars, principalement via le système bancaire classique.

Que dit vraiment l’islam ?

L’islam ne se contente pas d’apparences. Il appelle à la réflexion et au jugement fondé sur les intentions et les effets réels. Lorsqu’il s’agit d’un outil comme la monnaie, la question centrale est : « peut-il être utilisé dans un cadre licite, et est-il intrinsèquement juste ? »

Le principe est clair : les actes valent par leurs intentions. Si un musulman utilise Bitcoin pour un usage halal — commerce licite, don familial, épargne — alors cette transaction est licite. S’il l’utilise pour un trafic illicite, alors seul l’acte est blâmé, pas la monnaie elle-même. C’est exactement le même raisonnement que pour l’euro ou le dollar.

De plus, l’islam n’exige pas qu’un outil soit exempt de tout abus pour être autorisé. Sinon, il faudrait interdire les routes, les ordinateurs ou même les téléphones. Ce que la charia condamne, c’est la présence d’une injustice en soi dans l’outil. Ce n’est pas le cas du protocole Bitcoin, qui ne contient ni ribâ, ni fraude, ni opacité systémique.

Conclusion : une accusation injustifiée contre un outil neutre

L’idée que Bitcoin serait haram parce qu’il est utilisé dans certaines activités illégales ne résiste pas à une analyse sérieuse, ni sur le plan des faits, ni sur le plan des principes islamiques. Comme tout outil, Bitcoin peut servir le bien comme le mal. Ce n’est donc pas l’outil qu’il faut condamner, mais l’intention et l’usage qu’on en fait.

Les chiffres montrent que la part de criminalité liée à Bitcoin est extrêmement faible, bien inférieure à celle des monnaies fiat. Et contrairement à l’image véhiculée, Bitcoin est l’un des systèmes les plus transparents et traçables. Il n’est pas une monnaie du crime, mais un protocole neutre, ouvert, et potentiellement vertueux.

En islam, la licéité d’un outil dépend de son usage réel, et non d’abus isolés. Bitcoin ne contient en lui-même ni ribâ, ni injustice, ni tromperie. Il peut donc être utilisé dans un cadre conforme à la charia, au même titre que n’importe quelle autre monnaie ou technologie.

👉 Ce n’est pas le Bitcoin qui est haram, c’est l’usage illicite qu’il faut condamner.