Bitcoin est-il haram à cause du risque de perte ? La question de la sécurité en islam
Certains affirment que la possibilité de perdre ses Bitcoins, notamment en cas d’oubli ou de vol de la clé privée, rend cette monnaie incompatible avec les principes de l’islam. Cet article explore en profondeur cette objection à travers le prisme de la charia, des maqāṣid ash-sharīʿa, et des outils modernes de sécurisation. On y découvre que le véritable enjeu n’est pas l’existence du risque, mais la manière dont il est assumé et maîtrisé.


Bitcoin est-il haram à cause du risque de perte ? La question de la sécurité en islam
L’une des critiques récurrentes formulées à l’encontre de Bitcoin concerne sa sécurité : « Et si je perds ma clé privée ? Et si on me vole mon portefeuille ? » Pour certains, cette possibilité de perte définitive rendrait Bitcoin incompatible avec les principes de l’islam, notamment avec le principe de protection des biens (ḥifẓ al-māl), l’un des fondements de la charia.
Mais ce raisonnement tient-il réellement face à une analyse sérieuse ? Faut-il interdire un outil simplement parce qu’il comporte un risque de mauvaise utilisation ? Et surtout, le système monétaire traditionnel est-il réellement plus sûr ? Ces questions méritent d’être posées — non pas pour défendre Bitcoin aveuglément, mais pour mieux comprendre en quoi la responsabilité, la liberté et la sécurité financière s’articulent dans la vision islamique du monde.
Bitcoin, une monnaie trop risquée ?
L’argument est simple, et souvent répété : Bitcoin serait trop dangereux car on peut tout perdre en cas d’oubli ou de vol de la clé privée. Contrairement à un compte bancaire — censé être garanti par des institutions — Bitcoin met l’utilisateur face à sa propre responsabilité. Une mauvaise manipulation, un oubli de mot de passe, ou une négligence peuvent théoriquement conduire à une perte irréversible des fonds.
Certains invoquent alors un principe fondamental de l’éthique islamique : la protection des biens. Selon cette logique, tout outil qui expose à une perte totale du patrimoine ne saurait être halal. Mais cette manière de voir repose sur une vision biaisée du risque, et sur une mauvaise compréhension des objectifs réels de la loi islamique.
Ce que dit l’islam sur la perte et la protection des biens
En islam, la protection des biens (ḥifẓ al-māl) est en effet l’un des cinq objectifs majeurs de la charia (maqāṣid ash-sharīʿa). Mais cela ne signifie pas que toute forme de risque est interdite. L’islam appelle à une gestion responsable, à la prudence, et à la prévention des pertes évitables — non à la recherche d’un risque zéro.
Le Prophète ﷺ a parfaitement résumé cet équilibre dans une parole célèbre :
« Attache d’abord ta chamelle, puis place ta confiance en Dieu. »
Cela signifie que le croyant doit prendre toutes les précautions nécessaires avant de s’en remettre à Dieu.
Posséder de l’or, des espèces, des marchandises… tous ces biens peuvent être perdus, volés, ou détériorés. Et pourtant, aucun d’eux n’est haram. Il en va de même pour Bitcoin : ce n’est pas parce qu’il peut être perdu qu’il est illicite — ce qui compte, c’est la manière dont on le protège.
Comment sécuriser son Bitcoin en pratique
Bitcoin vous donne le contrôle, mais aussi la responsabilité de protéger vos biens. Heureusement, l’écosystème Bitcoin a développé de nombreux outils efficaces pour réduire les risques :
Utiliser un dépositaire réputé (custodian) : confier la garde à un acteur sérieux si l’on débute.
Portefeuille multisignature (multisig) : plusieurs clés sont nécessaires pour valider une transaction.
Plan d’héritage conforme à la charia : transmission organisée et documentée.
Séparation des usages : un portefeuille mobile pour le quotidien, un portefeuille sécurisé pour l’épargne.
Le risque existe, mais il est réductible et maîtrisable — à condition de se former, comme l’islam nous y invite.
Banque vs Bitcoin : quel est le vrai risque ?
On croit parfois que l’argent est plus sûr à la banque. Mais le système bancaire expose aussi à des risques réels : gel administratif, fermeture de compte, saisie sans recours, inflation. Vous ne contrôlez pas votre argent — vous le confiez à des intermédiaires.
De nombreux musulmans engagés dans des causes légitimes ont vu leurs comptes bloqués pour des raisons injustifiées. Bitcoin, lui, ne permet pas de censure. Personne ne peut bloquer ou confisquer vos avoirs. En échange, vous devez prendre soin de vos clés.
Il ne s’agit pas d’un système sans risque, mais d’un système où le risque est sous votre contrôle, et non entre les mains d’une institution.
Conclusion islamique
L’islam n’interdit pas un outil parce qu’il comporte un risque. Il appelle à la responsabilité, à la prudence, et à la maîtrise de ce risque. Bitcoin n’enfreint pas ḥifẓ al-māl ; il l’illustre parfaitement en rendant chacun gardien actif de son capital.
L’irréversibilité des transactions, loin d’être un défaut, est une forme de certitude dans l’échange (qabḍ), valorisée par la charia. Si le contrat est licite, la transaction claire, et la sécurité assurée avec diligence, Bitcoin est un outil parfaitement autorisé.
Conclusion : souveraineté implique responsabilité
Le risque de perte avec Bitcoin ne rend pas cette technologie illicite. Il exige simplement de la vigilance, de la formation, et une intention droite. Loin de contredire l’éthique islamique, Bitcoin l’amplifie : il vous rend libre, responsable, et maître de vos biens.
Ce n’est pas Bitcoin qui met votre patrimoine en danger, mais l’ignorance ou la dépendance à un système centralisé opaque. Le vrai défi est celui de la connaissance et de la maîtrise.
